Jeudi 25/07/02 9eme FESTIVAL DE BLUES DE COGNAC : LES PASSIONS PARTAGEES
A peine descendu de mon petit nuage sur lequel je naviguais
à Cahors, le festival "Blues Passions" entame sa 9eme
édition. 7 bonnes heures de voiture en compagnie de mon pote Lolo entre Rouen et la
Charente, pour rejoindre cette belle cité quest Cognac. Juste le
temps de saluer Béatrice, responsable des logements chez lhabitant, pour nous
indiquer ladresse de notre maison daccueil. Cest "rue du
palais" dans le Vieux-Cognac, autant dire que limmense demeure, située à
quelques encablures du site principal du festival, est un véritable havre de paix, de
calme et de détente
Il est 16 heures quand Ike Cosse,
nous offrent un récital en solo, superbe moment dun
répertoire original ancré dans les racines du Blues profond. Dune voix chaude,
soutenu par une guitare et un bottleneck, un harmonica, un tambourin animé par sa jambe
gauche, sans plus dartifices, il a réjouit lensemble de lassistance et
des dizaines denfants présents, assis dans lherbe, attentifs à la
performance du bluesman. Splendide entrée en matière !
Pour suivre vers 18 heures, Texas
Trumpets, qui comme son nom ne lindique pas, nest pas
uniquement une formation composée de cuivres mais un "band" à part entière.
Le format classique : chant-guitare, basse, batterie, clavier, saxophone Alto
et
trompette décline une musique très Funky et Rhythm
and Blues. De bonne qualité mais sans être sensationnel, le groupe
originaire dAustin ne ma pas particulièrement emballé dans un premier temps
pour finalement me laisser aller à quelques pas de danse
Le temps est venu daller se restaurer, je manque
volontairement le concert de John Primer et Matthieu Skoller en sachant quils seront sur
la grande scène samedi soir
Vers 21 heures, jai hâte de découvrir les
légendaires et vénérables Blind Boys of Alabama.
Avec leur registre Gospel,
agréablement mélangé avec de la Country, des chansons
écrites par Tom Waits, Ben Harper ou les Rolling Stones, ils proposent sans mauvais jeu
de mots, un spectacle visuel, ou la communication avec le public est totale.
Lanimation des 3 vocalistes aveugles (dont Clarence
Foutain, créateur du groupe) est omniprésente, les deux premiers se
levant perpétuellement de leurs chaises, savançant dangereusement vers le bord de
la scène, rattrapés in extremis par le bassiste ou le guitariste. Le troisième
soffre un bain de foule, accompagné par un musicien, pour mieux sentir la présence
de lassemblée nombreuse et séduite. Un show réglé de mains de maître comme une
ballade au cur dun style alliant tradition et modernisme ponctuée de
nombreuses vagues rafraîchissantes
Chaque intervenant donne le meilleur de
lui-même dans lunique but de jouer et damuser, comme le font de jeunes
enfants avec un auditoire attentif
Les 3 chanteurs et les 4 instrumentistes quittent
le feu des projecteurs en file indienne, une main sur lépaule se retournant pour
saluer
sous les applaudissements nourris du public en délire
Je tire mon
chapeau à ses grands messieurs de la musique afro-américaine !
Il est plus de 23 heures quand Ike
Turner prend place sur la scène du "Blues Paradise", dont je
garde un sentiment partagé de la prestation : si la formation de 8 musiciens (2
claviers, 1 saxo alto, 1 saxo baryton, 1 trompette, 1 guitare, 1 basse, 1 batterie) ne
souffre daucun bémol pour soutenir le leader au piano et au chant, le répertoire
proposé de standards éculés comme " Johnny Be Good " ou autre
" Tequila "( ?) prend ainsi le public de Cognac pour des
béotiens ! Je voudrais bien que lon mexplique lintérêt de
présenter on stage 3 pianos, pourquoi pas 4 guitares et 11 clairons ! ! !
Cest un peu dégoutté que je quitte la scène
principale pour prendre le chemin du "off" ou je jette un il sur le
concert de la "Magic Place" Mo and The Reapers,
avant de me ressourcer au contact des Hoodoomen.
Puis de retourner vers le Swing Cognac dune heure du matin pour le concert du groupe
Jump For Joy nous plongeant ainsi au
cur des "Fifties" avec leur style influencé par le Jazz,
le Swing, le Jump et le Boogie.
Autour de Peter "Pickey" Butler se
révélant être un chanteur-contrebassiste inspiré, le guitariste "Rusty"
Mich Pronost réellement doué, le saxophoniste baryton Philippe Guennou jouant juste, le dynamique
batteur Gérard Mace et lalerte
pianiste-organiste Christophe Leveillard,
nous ont plongé dans la noirceur dun polar du cinéma américain des années 50,
véritable clin dil au Festival du Film Policier de Cognac ( ? !)
Une bien belle découverte pour cette première journée malgré une assistance
clairsemée
Autour de 2h30 du mat, impossible dentrer dans
le bar bondé ou joue les Nantais de Scratch My Back,
je termine la soirée avec mon ami Gilles (de Bluesville) devant la "Jam
Session" des musiciens de Mudzilla et
de Texas Trumpets distillant
dagréables moments étayés par le chant de la somptueuse Dawn
Tyler Watson, à lexceptionnelle beauté et au visage si
expressif
3h30 , la fatigue , le cognac-tonic et la bière commence à faire effet,
je me couche en rêvant à cette sculpturale créature canadienne qui imprime si bien la
pellicule
Vendredi 26/07/02
Une grasse nuit fut nécessaire pour remettre les idées en
place et un savoureux repas de midi pour atteindre tranquillement 15 heures. Pascal
"LOreille Bleue" vient darriver, après une petite négociation qui
aurait pu être évitée, nous obtenons pour lun comme pour lautre une
accréditation " Média "
Sur le coup de 16 heures, John
Primer est sur scène, avec son Chicago Blues
acoustique alimenté par quelques standards qui nous transportent des bords de la Charente
aux rivages du Mississippi. Le nombreux public est conquis par lauthenticité et la
générosité du musicien de lIllinois. Après une petite ballade dans le centre
ville, les Bretons de Jump For
Joy donne, dés 18 heures, à une assistance
beaucoup plus nombreuse que la vielle, toute létendue de leur talent avec leur Jump
Blues si efficace. Pour être certain de ne rien manquer de la prestation
des Belges Tee, nous dînons relativement
tôt. Autour du génial leader Marc Thijs à
la guitare et au chant, Renaud Lesire à la
basse et Willy Maze aux baguettes assurent
une rythmique infernale enjolivés par Frederik Ernesto Zvar
à lorgue hammond et Jan Boeckaerts
aux Saxophones Alto et Baryton. Le sirop distillé par les 5 compères est un style
hybride de Swamp Blues teinté de Funky,
de Swing saupoudré de Mambo, de Blues
teinté de Gospel et même de Reggae
tirant sur le Ska. Jai pris une immense claque dans la
gueule (je crois savoir que Pascal aussi) tout au long du concert ou chaque instant
apporta son lot de trouvailles et détonnements. En particulier lorsque Marc Thijs, seul sur scène, interprète une magnifique chanson
Jazzy a cappella, imitant avec sa propre voix, chaque cuivre de façon
quasi-parfaite ! EPOUSTOUFLANT ! Deux heures de live de haut niveau ou
lémotion fut omniprésente
Pas facile dêtre novateur et inventif,
pourtant Tee réussit ce tour de force . Il
faut croire que la Belgique regorge de groupes tous aussi bon les uns que les autres,
après Last Call et les Seatsniffers (découvert à Cahors), Tee
est du même acabit, donnant toute la dimension dune musique en perpétuelle
évolution. Un moment inoubliable de ce 9eme Cognac Blues Passion ! ! !
Comme je lespère de la montée sur scène de Jimmie Vaughan et de Lou
Ann Barton. Accompagné notamment de Bill
Wills à lorgue Hammond (assurant les plans Basse) et de George Rains à la batterie, Jimmie nous assènent
des titres de sa dernière mouture, en distribuant des chorus et des solos dont il a
assimilé la vraie dimension. Cest le genre de guitariste qui pose la note juste au
moment précis ou il le faut. Cest lanti guitar-hero ! Le chant de sa
compagne Lou Ann Barton, envoûtant et sensuel exprime tout le charme dun Blues au
féminin aux doux accents texans. Jimmie sait communier avec le public, chantant assis sur
le devant de la scène, touchant là où çà fait du bien dans un jaillissement de bonté
et de sincérité
Lassemblée est séduite par lattrait dune
formation rodée, sans surprise et bien en place ! Déjà 1 heure du mat, nous
filons écouter les Limougeauds du Bourbon Street Blues Band
renforcé sur quelques titres par Alain Dorlet
à lharmonica, toujours emprunt à "jammer" dés que loccasion se
présente. Pour terminer la nuit, nous tirons jusquau troquet ou les Hoodoomen sessaye, musclés pour
loccasion de nombreux musiciens venus faire le buf jusquà 4 heures du
mat
cest du bonheur partagé en doses illimitées ! ! !
Samedi 27/07/02
Après deux belles premières journées de festival, ce
samedi se présente sous les meilleurs auspices, soleil et ciel bleu sont au rendez-vous,
chaleur et températures élevées (largement plus de 30 degrés C) aussi
Pas
toujours facile à supporter pour un (gras) normand comme moi nourri au Calva ! La
canicule connaîtra son apogée dés 16 heures quand la ravissante chanteuse Dawn Tyler Watson investit la scène de l
"Eden Blues" seulement flanqué dun musicien Corey
Diabo à la guitare acoustique.
Je suis littéralement tombé sous le charme de cette
séduisante canadienne qui a tenu en haleine les centaines de personnes présentes pendant
90 minutes de bonheur. |
Avec un répertoire métissé de
douces compos et de reprises de différents styles remplies démotions (No Women, No
Cry de Bob Marley, Superstition de Stevie Wonder, un titre des Beatles)
Rien que
décrire ces quelques lignes, je frisonne encore de tout mon corps en me souvenant
de limmense sensualité véhiculée par cette célébration remplie de Blues,
de Gospel, de Swing et dune
musique qui prend aux tripes et au cur
UNE MERVEILLEUSE SENSATION que je ne
suis pas prêt doublier ! Sur le coup de
18 heures, juste le temps de retomber les deux pieds sur terre, Big
Joe Louis and His Rhythm Blues Kings prennent place au "Swing
Cognac", je me fais une joie de les découvrir sur scène parce que japprécie
énormément une de leurs galettes (The Stars in The Sky) et
ainsi me forger une opinion
Autant avouer que leur performance ne me procura pas de grands élans vibratoires malgré
un bon moment de Blues entre Chicago
et Memphis. Il faut bien dire quaprès limpression
laissée par Dawn Taylor Watson, on ne perçoit plus tout à fait les choses de la même
façon
La Québécoise se retrouve ce soir sur la grande scène assistée des Texas Trumpets, un
moment que jai malheureusement loupé, le besoin de se nourrir et de se désaltérer
expliquant cela.
Nous arrivons au "Blues Paradise" pour le concert du chanteur-harmoniciste Matthew Skoller accompagné de deux piliers de la
scène de Chicago, les chanteurs-guitaristes Little Smokey
Smothers et John Primer.
Dans la lignée des tournées européennes du "Chicago Blues Festival" de ces
dernières années, souvent excellentes ou parfois décevantes, celle ci fut de bonnes
qualités mais sans grande originalité ! Bientôt 1 heure du mat, il est temps
de rejoindre le centre ville pour apprécier quelques titres du groupe originaire de
Cahors, Rosebud Blue Sauce. Une demi-heure
plus tard, retour à proximité du musée, Pascal "LOreille", Gilles, sa
charmante compagne, Marie et votre modeste chroniqueur ne voulant rater pour rien au monde
le concert de lItalien, Edigio "Juke" Ingala !
Le leader au chant et à lharmonica, bien soutenu par le talentueux guitariste Alberto Colombo et au jeu de basse éclairé de Billy Billiani, sans oublier lextraordinaire
batteur Gio Rossi. Ce dernier est
considéré en Californie comme lun des trois meilleurs au monde dans sa
spécialité ! cest peu dire
Malgré lheure tardive, les 4
comparses ont retenu une belle galerie avec leur Blues West Coast
bariolé de Boogie, de Swing, de RocknRoll,
de Swamp a vous donner des fourmis dans les jambes et une
sacrée envie de bouger ! Une énorme bouffée de fraîcheur envahie la cité de
Cognac
Pour résumer ces 24 heures deuphorie, le voyage
commença sur les berges de la Charente pour nous transporter jusquaux chutes du
Niagara et nous charrier des rives de la Tamise aux bords de la Riviera , le tout prenant
des allures de Mississippi
Faut-il encore être convaincu que lon a pas
forcement besoin dêtre né de lautre coté de lAtlantique, pour
apporter cette lueur nécessaire et créer lémotion indispensable pour nous faire
chavirer de plaisir ?
Je me couche avec ce doux sentiment de bien être qui
embaume mon corps, mon âme et mon esprit
I FEEL GOOD !
Dimanche 28/07/02
Les dernières heures de ce 9e Cognac Blues
Festival sannoncent chaude, autant par le climat que par sa programmation (le show
de Bobby Rush ne me démentira pas, jy
reviendrais
), je suis impatient dassister à la prestation de Liz Mc Comb que
je nai encore jamais vu en live !
Arrivé pour une fois sur le site dés 12 heures, je
moffre pour bien commencer ce dimanche, Dawn Tyler
Watson (je ne peut plus men passer !), qui ma mis la
chair de poule comme la vielle pendant toute la durée de son spectacle. Je ne pense pas
avoir été le seul à être séduit par cette sublime beauté
BABE, I SMELL
TROUBLE !
Après déjeuner, je me ballade du coté des stands de la
presse "Blues" ou jécoute le mini-concert dun trio improvisé, Sam (de Mr Tchang),
Arnaud (de Malted
Milk) et Kévin (de Scratch my Back), trois jeunes musiciens de nos
contrées pour une heure de Blues authentique et sans prise de
têtes.
A lheure de lapéro, je retrouve tous mes
potes, place François 1er, pour entendre lElmore
D Band, composé de lemblématique leader Belge Elmore D au chant,
jouant surtout sur une fameuse guitare "Stella" à 12 cordes et par moment sur
un Dobro du meilleur effet, Big Dave le
soutient de son harmonica et de sa voix, consolidé par Lazy
Horse aux divers types dinstruments à cordes (guitare électrique,
mandoline et même un (très rare) Dobro électrifié) ou lon retrouve derrière ses
fûts, lexceptionnel batteur (de Tee également) Willie
Maze.
Pendant près de deux heures, devant une terrasse de bar
archi-comble, le registre sécrété par le quatuor, se promena dans les racines profondes
dun Blues Rural que ses compositions soient chantées en
français, en anglais ou en patois wallon, une langue si communicative, tellement
prenante, tellement bluesy
Un merveilleux moment de blues acoustique, qui aurait
sans doute mérité une scène plus importante même si le principal est de pouvoir
s'exprimer, les gens présents ne le regrettent pas. De nouveau, un groupe talentueux et
inspiré issue de la filière Belge qui perpétue cette musique gorgée
dauthenticité et de feeling ! Cest tellement bon de vibrer ainsi
Après un rapide dîner, encore quelques minutes avant
larrivée de Liz Mc Comb.
Saccompagnant au piano, entourée dun organiste, dun bassiste, dun
batteur et sur quelques titres dun guitariste, elle illumine un répertoire de Gospel
Songs pastellisé de Soul Music.
Je ne sais réellement pourquoi jaime autant ces chants religieux, sans doute mon
éducation judéo-chrétienne inculquée par mes parents. En revanche, je ressens cette
musique me pénétrer au plus profond de mon corps par tous les pores de ma peau ! A
la limite de la transe, je suis transporté dans une autre dimension, cest tout
simplement jubilatoire !
Si cette grande dame au charisme affiché, sexprime
en toute émotion et en sobriété, que dire de la prestation du président dhonneur
du festival, Bobby Rush ?
Avant toute chose, il faut reconnaître que Bobby est un
formidable Show-man, un excellent chanteur et un talentueux harmoniciste sachant
sentourer dun orchestre de haute voltige
Je ne peux pourtant
mempêcher de mettre en avant (cest le moins que je puisse dire), cette
danseuse aux mensurations plus que généreuse qui na cesser de nous dévoiler son
anatomie avantageuse ! Drôle, provocante presque excitante au début mais après la
7eme chansons, désopilante, vulgaire et sans intérêt
la gent féminine présente
a dû être ravie ! La demoiselle changeait tout de même de tenue pratiquement à
chaque morceau, oh ! la belle garde robe ! ! ! Voilà le genre de
spectacle à limage dune Amérique des extrêmes qui se voulant originale fait
dans le voyeurisme et lexcès
Ce type de prestation donne de leau aux
moulins de tous les puritains, les conservateurs, les ultras-orthodoxes, les fascistes de
tout poil
Je sors de mes compétences, je ne peux mempêcher de donner mon
humble avis, ce sont mes convictions libertaires et pacifistes. Labondant public ne
semble pas pour autant scandalisé saccommodant volontiers de ce répertoire habile
mélange de Soul, de Blues et de Funk.
Pour ma part, je quitte le "Blues Paradise" sans regret pour rejoindre la
"Magic Place" ou jarrive juste avant la fin du concert des Flyin Saucers. Dans un bar un peu plus loin,
Mr Tchang mets le feu consolidé par
quelques sicos venus faire le buf. Pour clôturer ces 4 jours de fêtes autour de la
musique du diable, je retrouve lensemble de mes amis pour se finir avec les Hoodoomen.
Les quatre bas-normands ont "jammé" avec le
trompettiste et le saxophoniste des Texas Trumpets
apportant ainsi une touche joliment cuivrée à leur Blues. Un
instant final festif à limage de ses quatre jours ou le partage entre les musiciens
et les festivaliers fut omniprésent constituant ainsi le plus grand rassemblement en
France et peut être en Europe autour du Blues
Si je dois citer les images fortes qui me resteront de ce
9eme Cognac Blues Passions : Les Swinguants Jump for Joy, Les Légendaires Blind Boys
of Alabama, les innovateurs de Tee, le bienfaiteur Jimmie Vaughan, le créatif Ike Cosse,
les enracinés dElmore D Band, lestomaquant Edigio "Juke" Ingala, la
charismatique Liz Mc Comb, la délicieuse Lou Ann Barton et la si séduisante Dawn Taylor
Watson
Vivement la 10eme Edition et par avance, bon
anniversaire ! ! ! |