Jérôme
Mad Man (fev 2004)
J’avais mis une de mes dents, perdue tragiquement en éternuant
vraiment trop fort, dans un tapis de ouate et plongée sous mon oreiller
afin que la petite souris ne m’apporte quelques sesterces bi-colores de
notre chère et jeune monnaie européenne.
Au petit matin et à ma grande stupéfaction la fantasmagorique petite
rognure de sale race quadrupède, plutôt que d’exhausser ma pécuniaire
et néanmoins juste supplique, préféra me coller un CD fort inopportun
vu ma situation bancaire disons pressante.
“Ah! la p’tite salope” dis-je mécontent à l’égard de la légendaire
figure moustachue de nos chers bambins à la précaire dentition lactée.
L’école n’étant plus ce quelle était, plus aucun de nos tendres chérubins,
fier de ses ratiches hasardeuses, ne goûtera jamais aux joies de la dissection
de nos petits traîtres rongeurs, au pelage d’albâtre de la supercherie
et au museau mièvrement rose de la trahison.
Malgré tout, ma déception décolérée, je me pris au jeu d’écouter
mon malheureux présent afin de commencer le deuil de ma sus-dite pré-molaire
maladroitement molestée et définitivement déracinée.
Finalement et après coup, en m’adressant l’album d’Enrico
Crivellaro, la petite souris me parut avoir peu ou prou un
certain goût pour la bonne musique.
La présence de James Harman au chant,
sur deux morceaux, me laissait espérer d’inénarrables moments. Les précieux
conseils de Kenny Burrell, de Ronny
Earl, de Kid Ramos et de Duke
Robillard, entre autre, requis par l’auteur pour ce disque
exacerbèrent ma curiosité.
Le début faussement douceâtre de “you’re in
for a big surprise” laissa très rapidement transparaître une énergie
et un langage musical que l’on ne retrouve plus guère que dans les autant
non-simples compositions de Jimmy Vaughan.
“Drinkin’ cheap champagne” et son intro
guitare d’une écrasante langueur confirma cette personnelle première
impression.
Ceux qui apprécie l’univers musical de Kid
Ramos ou de Kim Wilson
mettront facilement leur canine ou leur dent de sagesse sous l’édredon
afin d’entendre “walkin’ and walkin’”
au sensuel trémolo ou “the
‘in’ crowd” au piano magnifique.
L’ambiance jazzy où la trompette coule à flot de “Black
Jack” ou de “Black coffee”,
le groove gravissime de “Help me flip
another flop” et de “Makin’ money”,
ne laissera nullement indifférent les fans respectifs de Kenny
Burrel et d’Albert Collins.
Que
nos déçus de n’avoir reçu ce délicieux douze pistes céramiqués en
échange d’une délicate incisive déchicotée, sous leur polochon,
finissent par pardonner à notre campagnol femelle de service de ne point
être le père Noël, car au final ce n’est qu’une gentille petite
souris... la conne! |