Bougy Blues Festival édition 2005

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Dernière modification le 11 novembre, 2005

 

Du 26 au 28 Août 2005  
Salle des Fêtes
Bougy (14)

Igor Pichon

Les loustics de l’Oreille Bleue, bien reconnaissables à leurs chapeaux, n’auraient manqué pour rien au monde la quatrième édition du festival Blues de Bougy qui se déroulait du vendredi 26 au dimanche 28 août 2005 près de Caen.
La manifestation avait déjà débutée dès le jeudi 25 par un concert du Jeff Treguer Trio au restaurant Le Poivrier d’Evrecy.

Vendredi 26 août
Après s’être fait remarqués près du stand à frites, une chope à la main, le gang des chapeaux rejoint dès 21 heures la salle des fêtes déjà bien remplie pour le premier grand concert de ce week-end.

De retour de leur tournée au Québec, récompense bien méritée du Tremplin du Blues sur Seine à Mantes-la-Jolie, les Spoonful, que nous ne présentons plus, ont offert une prestation enjouée et pleine de verve avec un blues funk des plus festif. Si, au mois de Juillet à Cahors, nous les avons trouvé quelque peu intimidés et raides dans leur jeu, il en est tout autrement ce soir. Probablement motivé par leur détour au Canada, devant leur public à domicile, très à l’aise, les Spoonfull ont gratifié l’auditoire d’une contribution musicale enlevée et dynamique.
La magie de la formation tient dans une tension rythmique apportée par Virgile Lechevalier et Gilles Delagrange, respectivement bassiste et batteur. Un jeu très syncopé dépassant les frontières du blues amène cet équilibre instable si particulier pour autant qu’il soit réussi, et c’est le cas ce soir. Nicolas Mary avec son Hammond et son piano, apporte un son légendaire et atmosphérique digne des grandes formations. Pour terminer sur les présentations, Igor Pichon au chant et à la guitare vient pimenter le tout avec son inspiration et sa fraîcheur. Pour le contenu, une bonne cuillérée de Chicago blues alternée d’une bonne louchée funkisante à la Albert Collins vient composer une potion magique qui, sans donner une force surhumaine au public car on est pas dans un vieux Astérix, a su transmettre toute l’énergie du groupe.

Le groupe caennais laisse un public bien chauffé et il faut au moins çà pour pénétrer dans la dimension underground du combo qui prend la relève, Jesus Volt. D’entrée le climat change de tonalité, passant d’un optimisme et de sonorités plus établies à un univers sale, obscur, torturé et bruitiste. L’ajout de samples et de scratches déversés par DJ Cook aux platines est l’élément qui fait définitivement passer les musiciens de Jesus Volt dans le monde du New Rock Blues qu’il revendiquent. Ils ont trouvé l’art de brasser les cultures musicales, puisées dans le Motown, le blues des sixties et les musiques urbaines des deux dernières décennies. Leurs harmonies sulfureuses réveillent en chaque spectateur des sensations troubles, ranimant en chacun quelque vieille démone libertine ou autre succube facétieux bouleversant tout sens moral de l’ordre établi. Lord Tracy est le grand officiant de ce sabbat délivrant ses psalmodies d’une voix d’outre enfer rocailleuse. L’utilisation d’un Green Bullet aux consonances aigrelettes et décadentes donne à sa voix et à l’harmonica une saturation âcre, entrebâillant la porte du Blues à la façon de Harmonica Slim et de Howlin’ Wolf. Mister Clit Tao bouleverse les règles en distillant les accords les plus électriques et distordus sur une guitare folk, réservant les mélodies les plus acoustiques à sa telecaster. La rythmique emmenée par Magic Doudous aux fûts avec son style minimaliste et Lenine Mc Donald à la basse électro-acoustique soutient chaque morceau avec un groove allant du plus funky au plus swamp. Les introductions de DJ Cook et ses scansions Hip Hop confèrent à l’ensemble une originalité et une atmosphère moite tout autant qu’hypnotique.

L’impression finale au terme de cette première soirée est que le niveau est déjà très haut, ceci grâce à la programmation osée et courageuse pour une première soirée dans laquelle Marc Loison et Marc Mitou n’ont pas eu peur de marier deux esprits musicaux aux philosophies différentes.

Samedi 27 août
Si le café ne nous avait pas suffit pour nous sortir de la torpeur de la courte nuit, un petit saut de l’équipe dans les locaux de radio 666 lors de l’émission Sweet Home Chicago finira de nous réveiller à coup de cochonnailles, de vin et de bonne humeur. Merci Marc Loison pour ton accueil digne de celui du reste du festival.

Un petit coup de voiture plus tard nous sommes de retour sur le site. C’est sur le terrain municipal situé juste à côté de la salle des fêtes qu’est installé le camion qui sert de scène aux concerts gratuits des samedi et dimanche après midi. Un environnement champêtre et familial avec quelques stands artisanaux pour petits et grands, des ballades en poney et même un joli manége… Une joyeuse ambiance de kermesse dans laquelle les Hot Chickens (groupe originaire de Béthune dans le Pas de Calais découvert pour la première fois au Cahors Blues Festival en 2002), fort d’un sens du show débridé et communicatif, ont apporté leur ferveur naturelle et manifesté leur fougue incomparable.
Ainsi, le trio plonge le public de façon irrémédiable au cœur des années 40 et 50 en s’activant dans un répertoire composé de bonnes doses de Rock’a’billy saupoudré de Blues et de Country Music. Entre compositions et reprises, autant d’hommages perceptibles à Gene Vincent, Eddie Cochran, Elvis Presley et consorts, Hervé Loison à la contrebasse (rose bonbon !) et au chant, Didier Bourlon à la guitare et Thierry Sellier à la batterie savent ce que fête et Rock’n’roll veulent dire, se livrent sans compter et se déchaînent comme de beaux diables… Pour le moins efficace, souvent cocasse et toujours décoiffant !

Le temps de finir nos bouteilles du midi, d’en trouver d’autre, de les faire passer avec quelques tartines de pâté forestier et autres frivolités gustatives et nous arrivons doucement vers la première partie de soirée. Le dernier CD de Big Dez, sorti récemment, nous avait fait une très forte impression et nous attendions ce moment avec un peu de fébrilité. Soit l’enregistrement a été très travaillé, il ne reflète pas le niveau réel du groupe et nous allons être déçus, soit il le reflète bien et la soirée va faire mal. Nous avions faux sur les deux tableaux, le groupe est encore plus énergique que la tartine et nous a fait vraiment très très mal.
La première claque vient de la basse batterie (respectivement Lamine Guerfi et Steph Minana), une espèce de croisement entre la légèreté d’une danseuse étoile et l’avance inexorable d’un bulldozer. Comme si le rouleau compresseur arrivait en faisant des entrechats pour ouvrir la route aux suivants. Bala Pradal est le premier dans le sillage. Tambourinant les touches de ses claviers comme si sa vie en dépendait, son jeu est un savant mélange d’énergie, de puissance et de beauté. Soufflant comme un damné dans ses harmos, Marc Shaeller n’est pas en reste et ses solos son un véritable régal. Malheureusement son volume sonore un peu faible nous a obligé à tendre l’oreille pour saisir les nuances de ses phrasés. Mais après tout n’est il pas normal que nous aussi fassions quelques effort pour mériter ce que l’on a entendu ce soir la. Cerise sur le pompon, Phil Fernandez (oui ça fait une belle cerise) vient parfaire le travail. Sa voix est profonde, puissante et chaude, sa guitare a assimilé ses influences pour les sublimer et si de temps en temps, au détour d’un riff, Albert Collins pointe encore un peu son nez ce n’est franchement pas pour nous déplaire. Un show d’une qualité rare, et qui a fait l’unanimité dans l’équipe, c’est suffisamment rare pour être souligné.

Pas facile de se présenter sur scène, après une prestation de cette trempe et pourtant, l’Américaine Léa Gilmore et son band (européen) vont réussir à se mettre la salle dans la poche.
Dans un registre de grands standards de Blues, de Rhythm and Blues et de Jazz qui ne brillent pas par son extrême originalité, l’interprétation de Léa Gilmore fait la différence d’emblée, touche le point sensible et finit par enthousiasmer. Tour à tour réservée, effrénée ou drôle mais toujours séductrice, elle produit des envolées gospelisantes idéales pour illuminer chaque titre lui permettant de s’offrir de nombreuses réactions positives de l’assistance bien aidée en cela par ses accompagnateurs. En particulier le bondissant batteur Allemand Rudy Lenners et le trépignant bassiste Belge Jack Thysen (déjà vu à Bougy derrière Froidebise en 2002), ses compatriotes d’Outre Quiévrain, Erno au jeu fluide de claviers et Manu Picardi à la guitare nourrie d’effets (peut être un peu trop) participent résolument à la réussite du combo.
Un concert gorgé de bons sentiments et embelli d'impressions favorables où Léa Gilmore transmet sa passion vraie et intacte à un public visiblement tombé sous le charme. En quelque sorte : une bien belle communion… solennelle !

Dimanche 28 août 15h00
Le trio belge venu spécialement des Pays-Bas où ils avaient joués la veille, clôture le festival avec ce dernier « off » dédié aux amoureux du grand air et du blé en épi. Les Ugly Buggy Boys, tout comme les Hot Chickens, hier, joue sur le camion sono garé tout près de la salle de Bougy. Toujours aussi agités du bocal et toujours aussi sympas et détendus, Nick O’Sand (batterie et autres petits gadgets rigolos), Holly Dalton (contrebasse et aérobic) et Averell Mc Ronald (chant, guitare et borborygmes ruraux) savent trouver les mots afin de faire pousser des bananes sur les visages les plus renfermés. Au gré de leur country-hill-boogies sûrement piqué sur la BOF de « Délivrance », ils nous font traverser diverses contrés exotiques et reculés. Leurs compos et reprises n’entraînent ni le développement intellectuel ni la mélancolie. Rassurez-vous, les trois gusses cachent bien leur jeu car leurs inquiétants faciès masquent la finesse de leur humour. Entre chaque morceau, ils illustrent et racontent leurs histoires qui fleurent bon le jus de betterave frelaté : Le concept « échappés de la planète des vaches » fonctionne à merveille. Comment ne pas passer un bon moment avec « I hate the techno », « Hot corn, cold corn » ou « Smoke on the water » (celui de Dipeurpeule). Les costumes et les chapeaux sont signés Philibert Bouju, le grand styliste auvergnat rencontré par les TUBB au dernier salon de l’agriculture.

Le temps de saluer et de remercier l’équipe de bénévoles, nous reprenons la route avec deux constatations évidentes : c’est de mieux en mieux chaque année, et on fera tout pour être encore là pour la prochaine édition. Mais nous sommes inquiets, la salle sera elle assez grande.


Spoonful

Lord Tracy

Clit Tao

Jesus Volt

lors de Sweet Home Chicago

Hot Chickens

Phil Fernandez

Big Dez

Léa Gilmore


Ugly Buggy Boys


Averell Mc Ronald

Holly Dalton

Nick O’Sand
   
   
 
Mad man, Frère Toc, Lucky Jean Luc & Pascal Lob
 
Photos: Christian Rock