C’est
avec un certain plaisir que je reprenais le chemin du Havre pour
cet événement entièrement consacré à la note bleue.
Dés
16 heures à l’Agora, l’universitaire Robert Springer, auteur
du livre «Fonctions sociales du Blues» (éditions Parenthèse) nous présenta
l’évolution du Blues moderne à partir de 1920, principalement du aux
différentes migrations successives de la population noire. Interrogé par
Marc Loison de l’émission «Sweet Home Chicago» pour http://radio666.com,
il illustra ses dires par des extraits musicaux et se prêta
volontiers au jeu des questions-réponses en fin de conférence.
Peu
le temps de souffler, autour de 18 heures direction le cinéma l’Eden,
situé à deux pas, pour la diffusion du film de Bertrand Tavernier
«Mississippi Blues». Un documentaire réalisé dans les années 80 qui
retrace avec justesse et passion, les liens étroits entre Blues
et Gospel, à travers l’histoire réelle de la vie de
femmes et d’hommes.
A
l’heure de l’apéritif, retour à l’Agora où le Louisianais Spencer
Bohren, seul sur scène, créa une atmosphère intimiste et
envoûtante, dans laquelle son chant inspiré et profond renforça ses
qualités intactes de musicien.

Maîtrisant à merveille son jeu en «picking»
sur sa guitare acoustique ou utilisant avec à propos le style «slide»
sur sa «Steel Guitar», son set absolu et sensible fut des plus agréable,
bien qu’écourté pour nous permettre de rejoindre le Volcan pour
le début du 100% Chicago Blues Tour. Spencer
reviendra en fin de soirée pour commencer la Jam Session.
Il
est déjà 20h30, pas question de se restaurer, nous mangeront mieux
demain, nous réussissons malgré tout à nous installer (merci Corinne)
dans une salle de 1100 places affichant quasiment complet… Un rêve éveillé !
Le
duo Matthew Skoller à l’harmonica
et Lurrie Bell à la guitare, au chant
partagé, nous mets tout de suite dans le bain avant que le «slammer» Keith
Keller ne monte sur scène et subisse l’incompréhension
d’une partie du public peut enclin à se laisser porter par la musicalité
du rapide phrasé en anglais de cette forme actuelle de poésie.
Un pari
audacieux dans un concert de Blues, accompagné par des
sifflets et des quolibets, aussi stupides qu’intolérants… |
Matthew
Skoller repris l’affaire en main en assénant quelques
interventions hallucinantes au ruine babines qui firent décoller le
concert.

Bien soutenu par son frère Larry
Skoller à la guitare, Vamp Samuels
à la basse et Kenny Smith (fils du légendaire
Willie Smith) à la batterie, il fut
de nouveau rejoint par Lurrie Bell,
convaincant et séduisant, avant l’arrivée tant attendue du père de ce
dernier, Monsieur Carey Bell.

Visiblement fatigué et amaigri, il offrit pourtant des instants de pur
bonheur de son harmonica et il entonna de sa voix éraillée et
approximative, un chant d’une rare intensité. La prestation
d’ensemble au Volcan, fortement ancrée dans la tradition du Chicago
Blues, fut relativement conventionnelle, même si la présence de Carey
Bell l’a rendue exceptionnelle et unique, il faut cependant déplorer
l’absence de Little Smokey Smothers,
grippé, reparti aux Etats Unis.

La
soirée n’était pas terminée pour autant, vers 23h30, le Bœuf Final
à l’Agora, copieusement fréquentée, allait se résumer à la
rencontre entre Spencer Bohren et les
protagonistes du 100% Chicago Blues, sans Carey
Bell, parti rejoindre les bras de Morphée. Un deuxième
service encore meilleur que le premier où chaque musicien à l’unisson
proposa un formidable moment, rempli d’une énergie débordante et d’échanges
sincères, qui a lui seul méritait le déplacement jusqu’à la Porte Océane.
Je finissais scotché et ébahit, sur le devant de la scène, à moins
d’un mètre de la Stratocaster d’un Lurrie
Bell au meilleur de sa forme, visiblement surexcité et
transcendé par les encouragements du public en délire qui en redemandait.
Une sacrée tranche de Blues brut et authentique… Un seul
petit regret, toutefois, que les musiciens locaux n’aient pas pu prendre
part à la fête, pour partager avec de telles pointures, des minutes,
sans doute, inoubliables.
Je
tiens à remercier vivement Michael Guerrier et l’ensemble des équipes
de l’Agora, de l’Eden et du Volcan, pour la réalisation
complète de cette journée. Un vrai succès populaire autour du Blues,
qui me remémore, sans fausse nostalgie, la belle époque, pas si
lointaine, du Festival Blues à Gogo qui rythmait, par sa diversité et
ses nombreuses dates, le mois d’Octobre. Même si cette manifestation
n’est malheureusement plus d’actualité, il serait intéressant de
retrouver, tout au long de l’année, une programmation ponctuelle de
concert Blues sur la région havraise, je me ferais une joie
d’en être un interlocuteur privilégié. |