Il aura fallu
l'opportunité du tremplin blues de la Traverse, pour nous
permettre de découvrir le talentueux Jeff Tréguer
trio, le lauréat de cette 2éme édition. C'est avec plaisir
que je vous propose de faire plus ample connaissance de ses sympathiques
"Normands" en compagnie de Jeff,
avant leur passage en lever de rideaux de John Mayall, le 20 mars prochain
à Cléon.

Laurent : Toutes
mes félicitations de nouveau pour votre victoire lors du dernier tremplin
blues de la Traverse : est-ce la consécration de ton déjà long parcours
musical ?
Jeff : Cette
victoire m'a fait un grand plaisir : je la considère comme un
encouragement à la persévérance et comme une reconnaissance de la part
des représentants du milieu Blues qui ont participé au vote ; ce fut
aussi l'occasion de partager avec un public attentif dans de très bonnes
conditions acoustiques et scéniques. Ce n'est pas pour moi une consécration
mais plutôt une bonne surprise comme si sur ma route, il y avait eu une
voix chaleureuse qui m'avait dit : c'est le bon chemin gars, c'est le bon
chemin...
Laurent : Peux-tu
nous en retracer ses origines ?
Jeff : La musique
a toujours fait partie de ma vie : ce fut d'abord les chansons que ma mère
me chantait (elle chantait tout le temps...) et aussi les disques que mon
père mettait le week end, il s'asseyait dans son fauteuil et suivait la
musique avec son harmonica et un jour chez ma grand mère paternelle j'ai
demandé si je pouvait jouer sur la guitare qu'un de mes oncles avait gagné
à la foire (elle était plus grosse que moi) et je crois que c'est à ce
moment là que l'envoûtement a commencé : à partir du moment ou le bois
de la guitare a vibré, ou le son est monté. Puis mes parents m'ont payé
une guitare classique pour Noël, je devais être en cinquième et alors
un copain m'a appris à l'accorder et puis j'ai appris tout seul, en
faisant comme mon père faisait : en passant des disques et en jouant
dessus (il écoutait Johnny, les Shadows, de la musique Western...
mais aussi Claude Ciarry, Georges Jouvin, les aiglons, Georges
Brassenset... ABBA!). Et très vite j'ai eu besoin d'écrire des
chansons et d'inventer des musiques .Tout ça nous amène assez rapidement
au lycée où j'avait fondé un club guitare, mais à cette époque j'écoutais
Eddie Cochran , Gene Vincentet les Stray Cats et je sortais d'une période
Téléphone, Trust, AC/DC... alors la guitare classique... même avec
toute la conviction du monde, ça n'était plus suffisant ! J'ai donc vidé
mon livret A pour acheter à un surveillant, une imitation de
Lespaul custom pour 1000 francs... C'est en changeant de lycée que j'ai
alors vraiment chercher à fonder un groupe ; j'étais en pleine
boulimie musicale : Rory Gallagher, JohnnyWinter, Hendrix, BB King,
Eagles, ZZ Top... et aussi Paul Personne, Bill Deraime
...Après avoir "recruté" bassiste, batteur, guitariste et
saxophoniste, le Gonzo Chicken Band
(inspiré du mupets show) naquit. Nous Jouions ensemble 2 heures par jour
et faisions 1 concert par an dans l'amphithéâtre du lycée pour la fête
de noël et quelques autres représentations à l'extérieur dont la fête
de la musique. Le week-end de retour sur Rouen , c'était des boeufs qui
duraient des heures et des petits concerts à droite à gauche avec
les potes de Maromme. Après le lycée, je fus recruté par un prof
de maths de mon ancien lycée agricole comme guitariste chanteur ; le
groupe s'appelait le Bob Blues Band et
mon prof m'initiait au blues : on faisait des longues séances d'écoute
de musiciens tels que Eric Clapton, Hot Tuna, The Blues Band, Jimmy Reed
et bien sur JJ Cale... Pendant cette période j'appris à ouvrir
d'avantage mes oreilles. Les répétitions, les concerts : c'était
dans les Yvelines, on croisait souvent Arthur H qui débutait ...
Puis lors d'un boeuf, je rencontrais un artiste peintre et un
tapissier décorateur, l'un harmoniciste flûtiste saxophoniste et l'autre
bassiste accordéoniste : nous fondèrent les Canet'vides
version française des Caned Heat avec comme concept le Blues campagnard,
mélange de chansons country folk blues et trad français avec au fur et
à mesure que j'écrivais, des compos. Tous les week-ends étaient pris
pour les concerts. Ensuite il y a eu une autre formation La Bourriqu'Noire
avec un retour du bassiste du Gonzo Chicken Band, Pierre
Schoutteten un harmoniciste de talent et différents autres
solistes et batteurs. A coté et depuis le début, j'emmène ma
guitare partout, pour ne jamais rater une occasion : ainsi, j'ai joué
beaucoup dans la rue, le métro, un ferry boat, le train en tournée
improvisée ou programmée, dans des festivals en plein air, face à la
mer ou dans les montagnes, j'ai animé des bals traditionnels dans le
Morvan avec des vielleux, des cornemuseux, des accordeonneux
et fait danser la polka avec mon banjo, accompagné des artificiers, des
cracheurs de feu et des jongleurs, et je dois dire qu'à chaque fois,
c'est rudement bon tout ça !
Laurent : la
formation actuelle du Jeff Tréguer trio
se compose de quels musiciens ?
Jeff : La
formation du Jeff Treguer Trio c'est
faite depuis que je suis revenu en Normandie : les collègues de La
Bourrique Noire étaient trop loin .Cela a été l'occasion pour moi de
faire quelque chose de différent : faire ressortir le coté acoustique.
Avec Philippe Adnet à l'harmonica et Cyril
Cantayre à la contrebasse, c'est possible désormais ;
bien sur je ne résiste pas au plaisir de jouer avec le batteur J.B
Lepape lorsque l'occasion se présente...
Laurent : Depuis
votre découverte lors du tremplin, j'ai eu l'opportunité d'écouter un
CD que tu as réalisé il y a quelques temps déjà (la bourrique noire si
je ne m'abuse?), et qui reflète parfaitement ton univers musical, mélange
de blues, de country, de rock et folk... Cela reste ta ligne de conduite ?
Jeff : Tout à
fait, j'aime la musique en général mais ce qui me touche le plus ce sont
les choses simples, directes, non démonstratives et je pense que l'on
trouve ça en forte proportion dans les styles dont tu parles. En fait,
j'ai horreur de la "musique pour musiciens", et c'est peut être
pour les mêmes raisons que j'aime les musiques traditionnelles, qu'elles
soient bretonnes ou africaines...
Laurent : Tu ne
souhaites pas avoir une étiquette quelconque en quelque sorte ?
Jeff : Je suis très
honoré et flatté d'avoir été reconnu lors du tremplin Blues et je
crois que l'on ne peut jamais éviter les étiquettes, alors pourquoi pas
celle de Bluesman ? Même si je ne suis pas un puriste, ce que je joue,
depuis mes compos en français sur des thèmes inspirés du folk ou du
country, jusqu'aux complaintes issues des worksongs noires, je les joue
avec le sentiment du blues .Si on considère que le Blues est un
sentiment, alors oui, je suis quelque part bluesman.
Laurent : Tes
influences étant diverses, quels sont tes modèles ?
Jeff : Pour n'en
citer que quelques-uns, j'ai beaucoup d'admiration pour John Lee Hooker
qui reste un grand conteurs d'histoires, un immense faiseur d'atmosphère...
mais aussi pour Robert Johnson, Muddy Watters, Mississipi Fred Mac Dowell,
JB Lenoir, Howling Wolf, Doctor Ross ...Bien sur il y ales rockers : Bon
Scott d'AC/DC, Gallagher, Lynyrd skynyrd, Briand Setzer... et des gens
comme JJ Cale, Johnny Cash, Neil Young, Bonnie Rait, Johnny Winter et
Billy Gibbons, Georges Brassens aussi... Tous ces artistes ont pour moi un
point commun : ils sont authentiques et nous donnent avec générosité .
Laurent : Ton répertoire
est un subtil mélange de reprises mais aussi de compositions personnelles
: es-tu aussi à l'aise avec la plume qu'avec la guitare ? quelles sont
tes sources d'inspirations ?
Jeff : J'aime
beaucoup écrire et j' ai en stock un paquet de chansons et poèmes, de réflexions
et rêveries. Peut être suis-je plus a l'aise avec la plume? Ca dépend,
parfois c'est difficile de dompter les mots, de les écrire pour qu'ils
soient à propos, rythmiquement intéressants, et phonétiquement
pertinents... Quand à mes sources d'inspiration, elles sont : l'amour (et
oui, l'amour toujours...), les paysages , les gens, Dieu, la société et
son évolution, les villes, les campagnes, le sentiment du blues, les
amis, la politique...
Laurent : Revenons
à cette victoire du mois de Novembre 2004, cette reconnaissance soudaine
a-t-elle eu des effets bénéfiques sur la formation ? De nouvelles
perspectives d'avenir ?
Jeff : Oui, j'ai
eu des propositions pour des concerts et puis au sein du trio (qui était
formé depuis peu), c'est une source de motivation, alors... on travaille.
Laurent : Surtout
que se profile pour vous un sacré challenge, passer en première partie
du monstre "J.Mayall" : le moyen d'asseoir enfin une
reconnaissance durable et une certaine notoriété ?
Jeff : C'est sur,
J Mayall, c'est quelqu'un ! c'est un grand honneur que de faire sa première
partie, ça file le trac : j'ai fait la première partie de Luther Allison,
Bernard Allison, Calvin Russell, mais ça ne m'a jamais filé le trac à
ce point !
Laurent : Je sais
que dans l'optique de cette date, vous avez mis les bouchées doubles en
vu d'être au top devant un public très nombreux et qui plus est sur vos
terres : c'est existant ? la pression monte...?
Jeff : Oui,
monsieur!
Laurent : Quels
sont tes projets immédiats et futurs et tes souhaits ?
Jeff : Projet immédiat
: réaliser une belle maquette avec l'équipe du camion musique pour
prospecter avec un support de qualité. Projets futur : jouer bien sur et
enregistrer un album qui puisse être produit et commercialisé. Souhait :
pouvoir aller aux États Unis pour écouter et voir les gars jouer et
pourquoi pas jouer aussi (de toutes façons j'emmène toujours ma
gratte...).
Laurent : Si tu as
un message à faire passer en conclusion ? un petit mot pour l'oreille
bleue ?
Jeff : Merci à
toute l'équipe de l'oreille bleue pour votre soutien; vos
encouragements et pour ceux qui auront lu cet interview, je recommande le
CD de Little Walter : Keep on rocking the blues et celui de Sophie Kay :
Rengaines, c'est de l'authentique et de très agréables minutes d'écoute
en perspective!
Salut ! Jeff
Treguer. Merci à vous, Mister Jeff,
nous serons bien entendu en première ligne ce 20 mars, afin de vous
soutenir et vous applaudir ! Je sais aussi qu'il y aura certainement deux
fidèles supporteurs qui n'auront "d'yeux" que pour leur fiston
: il le mérite tellement ! |