La
maison ne reculant devant aucun sacrifice, je suis dûment mandaté par
« Mister Lucky Jean-Luc » pour rendre compte des prestations
de « Back Door & Awek » qui se produisent à Risoul,
charmante station de sports d’hiver des Hautes-Alpes.
Je m’y rends donc en compagnie de
Tom, le « castor junior » de la tribu familiale et petit
dernier (7 ans déjà…) Il semble décidé
à me faire plaisir et à oublier ses remarques acidulées sur mes goûts
musicaux : « Papa, tu nous soûles toujours carrément avec tes
VIEUX BLUES…» Bien que chaudement
couverts par ces -12° degrés, nous arrivons le nez rouge et l’oreille
bleue (désolé, je n’ai pas su résister) au club «TOURISTRA» où ont
lieu les concerts. Une fois
confortablement assis, je reste dubitatif .
-
Je suis rassuré de constater que la moyenne démographique du
public de mon rang (moi, y compris) doit approximativement avoisiner l’âge
de Tom !
- Je suis un peu inquiet, malgré la qualité irréprochable de la salle
de spectacle et de la scène ornée d’un yellow cab, je redoute un
public copieux peu captivé par le jeu des musiciens (vous savez quand on
rentre et sort, comme dans un moulin…)
Aux
premiers accords de Back Door me voilà
rassuré : les compères guitaristes de ce duo électrique envoient
du bon blues «roots à souhaits» et je me régale… Puis,
le chanteur attrape un « harmo mal rangé » comme dirait
l’autre, et c’est la démonstration magistrale… « Ouah »
fait Tom qui pense tout d’abord qu’il fait simplement
« çà » avec la bouche et les mains !??! Le
set ne faiblit pas, la panoplie musicale est colorée et occasionnellement
enjolivée de belles parures à la slide, je suis étonné et
l’auditoire semble apprécier.
Ensuite
et rapidement, les successeurs Awek
s’installent et balancent leur blues, alternant compositions réjouissantes
et reprises bien senties :
-
Bravo aux sonorisateurs et éclairagistes qui contribuent
efficacement au succès de la soirée !
-
Tom me glisse soudain « Tu ne trouves pas que le batteur….il est
classe.. » C’est vrai : imaginez un sosie de Lucky Jean-Luc
filiforme et repu de cassoulet aux asperges, au look soigné qui pratique
la batterie avec une énergie et un feeling hors du commun.
-
Le bassiste est efficace, sobre et distingué à la fois, bref :
le bassiste des contes de fées.
-
Le guitariste chanteur, aux doigts magiques et à la voix de
velours, pratique un jeu d’une personnalité rare : aussi à
l’aise dans ses chorus au caractère affirmé ou que dans les plans
ultra classiques et abordant tous les styles (country /westcoast/pop/rythmn’blues/soul).
Difficile de lui trouver un rapprochement… Peut-être un Popa Chubby qui
serait devenu subtil et beaucoup plus inspiré ! |
Naturellement un bœuf
vient clore le spectacle et c’est…l’apothéose ! Le chanteur de
Back Door a revêtu la veste à
paillette de Roger Lanzac dénichée dans les loges…Cet accoutrement prédestiné
lui porte plus de chance qu’un « mojos » dans l’ordre
puisqu’il décuple alors ses facultés... Ainsi, la foire aux reprises
peut étrenner les succès répétés ( I can tell /
Got my mojo working). Le public est conquis :
« Jean-Claude DUSSE » frappe dans ses mains, « Popeye
et Gigi » reprennent les chœurs, même les enfants s’exaltent…
Le pari difficile d’accrocher les vacanciers aux plaisirs des 12 mesures
est gagné. Pour être tout à fait franc, j’aurai misé au départ sur
une hémorragie affluant vers les succulentes raclettes proposées à
« La patate chaude » ou au « planté de bâton »,
les sympathiques étapes gastronomiques de la station. Avantageusement ce
soir, le blues chaleureux triomphe. Même sans vin chaud, la messe est
dite.
Épilogue :
Ah oui, une dernière anecdote à méditer par les incollables du « blind
test »…
Trois jours plus tard, après avoir vainement essayé de rattraper mon
intrépide Tom, lors d’une sortie de piste qui nous entraînait tout
droit vers les falaises d’Etretat ; je profitais de l’accalmie de
la remontée en télésiège pour proférer les remontrances paternelles
habituelles sur les risques et dangers de l’insouciance enfantine…
Il coupa court à mes reproches : « Ah oui, mais tu te rends
compte que grâce à moi, tu as découvert une
nouvelle rouge et même la fin d’une noire… Tu vois qu’il
faut toujours suivre son fils ! » Et comme je le dévisage
perplexe, en fin psychologue il réussi à me déconcerter un peu plus, en
fredonnant un air à la fois familier et inconnu… Plutôt satisfait
qu’il ne s’époumone point sur le « Quand te reverrais-jeuuuu,
pays merveilleuuuux…. » traditionnellement réservé au sportifs
cinéphiles, je le félicite sur le choix de cet air pur qui
m’interpelle. Une question me brûle toutefois la langue : je
reconnais ce truc…sans parvenir à le définir précisément…
« Dis-moi, Tom, c’est quoi ce que tu chantes là ? »
« Ben voyons, Papa, c’est la 3ème chanson du 2ème groupe de
l’autre jour… »
En descendant maladroitement du télésiège, je me dis que cela doit être
parfaitement exact et alors que j’ouvre la bouche pour le prier de
m’attendre, j’entends une petite voix déjà filante me lancer
« Quand je te dis qu’il faut toujours écouter son fils !!! »
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